jeudi 2 juin 2016

L'imparfait du processus.




Main du 2 juin 2016.

Etrange impression à l'idée de faire partie d'un jury pour qui comme moi n'enseigne pas. A regret je m'en rends compte à mesure que les années s'accumulent alors que simplement d'être père par deux fois (et d'ados qui plus est) place devant l'idée de transmission qu'on le veuille ou non. Singulier aussi d'aller en Ecole d'Art émettre un avis qui se devra d'être pertinent alors que d'école de quoi que ce soit je n'ai fait. La dernière fois ce devait être il y a quatre ou cinq ans et le souvenir d'une illégitimité passagère mais bien ressentie à se demander pourquoi moi qui suis hors des circuits traditionnels (ou en tout cas plus dans le mouvement des poussières établies et subventionnées), pourquoi pas tous ceux-là qui aimeraient tant reluire d'un avis décisif sur jeunes aspirants comédiens et en arriver à se dire pourquoi pas moi au fond. Oui pourquoi pas. Et souvenir aussi d'avoir postulé par deux fois au poste de chargé de cours (pas sûr de l'appellation d'origine contrôlée) et avoir remis un dossier dans lequel je souhaitais amener l'écriture (originale ou adaptation) dans le processus d'un module, déjà sur le chemin si nécessaire aujourd'hui d'inscrire l'écriture dans processus de vie, de création quelle qu'elle soit. Mais comment juger des étudiants dont je ne connais ni l'identité, ni le parcours, ni les motivations, ni les évolutions, ni les aspirations? Comment occuper cette place et remplir ce devoir quand ce qui me stimule en tout et partout c'est le processus, l'avancée, la recherche, le laboratoire permanent, le rugueux et l'âpre, l'imparfait et l'hésitant? Quels mots trouver qui ne soient pas stupidement définitifs et lisses? Comment ne pas heurter ni flatter ces jeunes gens qui de fantasmes en projections rêvent d'un accès illimité à la profession, si inconstamment professionnelle, si rarement accueillante à moins de correspondre aux esthétiques de par-ci et par-là et de se mouler dans le mouvement bien-pensant des vieux schémas? Le meilleur des encouragements ne serait-il pas de les inviter/inciter à créer tant qu'ils peuvent en structures et surtout hors structures, à être comédien et auteur et régisseur et producteur et scénographe et costumier et lecteur et inlassablement curieux de toute forme d'écriture, ancienne et contemporaine, à ouvrir grands les yeux sur le réel si bousculant pour nourrir toutes les fictions qu'ils seront amenés à incarner, évoquer, révéler. Ne sont-ils pas déjà en position de transmettre à leur tour?
Appelé à faire partie de ce jury en Art dramatique, je m'interroge. Pas sur la raison de ma présence, peut-être d'ailleurs ne suis-je là que pour remplacer un indisponible, mais sur la fragilité de l'exercice, mesurant les enjeux, devinant les attentes, pour eux comme pour moi, sans compter celles de l'institution aussi et de l'ensemble des deux jurys, interne et externe, tout ce petit monde devant rentrer chez lui le soir avec le sentiment d'avoir été juste et humain, même si hésitant et imparfait.




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