jeudi 3 novembre 2016

L'attente / 9. En toute connaissance de cause.



25 ans nous séparent. Environ. On ne connaît pas très bien son âge.
Il entre dans l'oubli de sa vie, de ses repères, de la clarté des choses et du monde.
Il parle peu, la télévision est son lavage quotidien.
Aujourd'hui, en plus de cette maladie, on lui en diagnostique une autre, étendue, répandue, nulle hésitation semble-t-il. Elle s'est multipliée dans son corps, a quitté un organe pour en rejoindre d'autres dans un grand partage indésirable.
Il ne s'est pas soigné, n'a pas fait de suivi lorsqu'il y a dix ans, la chose est apparue. Dix ans plus tard, la chose a fondé une famille et occupe le terrain.

Chez moi, la même chose, identiquement logée, s'observe à intervalle bi-annuel.

Rythme de vie à la recherche de pulsion de vie suffisamment forte.

Il nous faudra bien disparaître un jour, de notre existence, de notre corps, de notre avenir.
Une fois les premiers signes francs de cette disparition, nous n'avons d'autre choix que de marcher avec elle, en toute connaissance de cause (et de ces effets, pas sûr), alors autant se mettre à siffler pour alléger cette marche.

Sa fille, sur sa page Facebook, au retour de l'hôpital a écrit ceci:

"Lui il s'en fout, il siffle.
Ses oreilles se sont bouchées. Il a laissé pousser des oliviers dedans.
Il chante en turc dans le métro bondé...il se rappelle des temps inconnus de nous.
Il a dit aux docteurs "Alzheimer, moi? Pas du tout! Cancer? des conneries!"


La maladie attend. Je l'attends. On s'attend.

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