lundi 17 juin 2019

La comptabilité des jours



Aujourd'hui 9 mai, il manque 14 jours pour arriver au 23 mai.

On a laissé passer du temps. On s'est occupé à des projets divers. On a vu des potes et on a imaginé de bosser ensemble et d'aller rechercher l'ami Voltaire pour dire quelques trucs sur quelques scènes accueillantes. On a aussi réfléchi à comment s'en sortir de cette mélasse financière et de ce fait, on a envisagé de se délester de sa voiture, de diminuer les quantités dans les assiettes (mais on est gourmand) et d'autres choses presque pas avouables, souvent ridicules. On a beaucoup lu et découvert des auteurs, des blogs, on a trouvé du sens à l'avancée des journées, on a visionné un film sur le mathématicien Alan Turing avec ses gamins, on a vu revenir l'allergie à ce qui vole et matérialise le printemps (et rencontrant la pollution urbaine en devient redoutable et assomme et brûle la gorge). On a questionné encore des potes qui utilisent la vidéo pour poursuivre expérience d'écriture par l'image et installer programme de montage et tenter de s'en sortir, toujours s'en sortir. On a même reçu une brève initiation de son fils de 19 ans et comme c'est agréable de se faire apprendre des choses par sa progéniture. On a fait parfois au détour d'un coup de blues en fin de soirée le récapitulatif des amis qu'on s'est fait dans le métier (mais quel métier au fond?) en vingt-cinq ans de déambulations tous horizons  et les comptant sur les doigts (des deux mains heureusement) on a dormi heureux que ceux-là se soient trouvés sur votre parcours (Céline, Ana, Annette, Christophe, Stany, Eléonore, Patrick, Isabelle, Pierre...). On s'est dit que, ces derniers mois, avançant dans l'écriture, recevant tellement de quelque amitié fraternelle née au travers du web, on a conforté ses choix, comme s'être éloigné des vieilles manières de faire du théâtre attendu et moribond, réinvestir sa pratique et envoyer balader les acquis soporifiques, réinventer une place hors statisme. On s'est souvenu de la maladie du père, à l'époque si peu nommée Alzheimer, mais voyant un autre cas proche et lisant justement à quelques jours d'intervalles qu'un auteur cher, sans doute y était confronté, on a replongé dans ces instants sidérés jusqu'à la disparition de l'être aimé.
Et puis, les jours entraînant les jours, le 23 mai est apparu sur la ligne d'horizon et le décompte a recommencé. La comptabilité des jours est pathétique mais elle est. Elle fixe l'anxiété et remet le gamin (au centre du labyrinthe) au cœur des préoccupations. Ce que les attentats ont postposé va advenir dans pas longtemps. Pas longtemps.
On a laissé passer du temps et ce long temps s'est raccourci pour former un seul mot.

lundi 3 juin 2019

Poèmes fondus / 82










sitôt les paupières en deuil
tandis que le mouvement des plaintes ordinaires s’installe
nous hantent larmes et os

sitôt la mort appréciée
ainsi lésée de sa puérilité éclatante
nous lâchent défauts et membres

auparavant chien
on était brouillon
accusé
double
arpentant le globe
loin de la fin

quand on succombe au féroce mépris
au pénible sens accusé
au probable mot borgne
au hélas abrupte de feu soi-même
on succombe d’impatience épouvantée

toute personne est un désert réel
un doute
un roman qui aboie