mercredi 29 novembre 2023

Ma vie avec Jekyll et Hyde - notes / 2

 


Où comment, dès la première phrase, dès le premier chapitre, 

Stevenson nous parle d’une société malade de l’entre-soi . 

 





 

« Mr. Utterson the lawyer was a man of a rugged countenance, that was never lighted by a smile; cold, scanty and embarrassed in discourse; backward in sentiment; lean, long, dusty, dreary, and yet somehow lovable. » 

Robert-Louis Stevenson

La première phrase du 1er chapitre « The story of the door. » et quatre traductions différentes:

« M. Utterson le notaire était un homme d’une mine renfrognée, qui ne s’éclairait jamais d’un sourire ; il était d’une conversation froide, chiche et embarrassée ; peu porté au sentiment ; et pourtant cet homme grand, maigre, décrépit et triste, plaisait à sa façon. »

Traduction de Théo Varlet.

« M. Utterson, notaire de son état, était un homme austère que jamais n’éclairait le moindre sourire ; froid, le verbe rare et embarrassé, conservateur par conviction, maigre, long, poussiéreux, sinistre, et pourtant attachant à sa manière. »

Traduction Charles Ballarin

« Mr. Utterson,  notaire, avait un air rébarbatif que n’éclairait jamais le moindre sourire. Il parlait avec une concision froide, et sans aisance ; ses sentiments étaient lents à s’extérioriser ; efflanqué, long, poussiéreux, triste, il savait néanmoins se rendre sympathique. »

Traduction Robert Latour

« M. Utterson, avoué de son état, était un homme au visage sévère qu’aucun sourire n’éclairait jamais. D’où venait cependant la sympathie qu’il inspirait malgré son aspect froid, renfrogné, son élocution embarrassée, et son long corps morne et maigre ? »

Traduction Charles-Albert Reichen

 


·   On l’a compris, le notaire Utterson est un homme réservé, peu enclin à sourire. Et cependant, il nous est possible de le trouver sympathique. Et c’est parce qu’il nous est sympathique, « lovable » malgré tout, que nous allons le suivre dans son enquête/témoignage au sujet de son ami Henry Jekyll. Sans sympathie pour celui qui mène l’enquête, point d’adhésion possible. Soyons donc ami avec Utterson.

·  Car l’amitié est au cœur de l’œuvre de Stevenson. L’amitié entre hommes qui boivent des bons vins, mais aussi l’amitié avec soi-même ou avec l’autre soi-même. D’une certaine manière, Stevenson nous propose d’être aussi « un ami », d’être compréhensif, d’accepter ce qui va nous être raconté. Mais pour cela, il va falloir que nous acceptions de suivre Utterson dans un monde uniquement masculin. Un monde « embarrassé ». 

·   Dans le testament que Henry Jekyll confie aux bons soins de son ami le notaire Utterson, Henry Jekyll évoque une forme d’amitié avec Edward Hyde (nous ne savons pas encore à ce stade-là que Jekyll et Hyde sont un seul et même individu), une amitié où Jekyll prétend devoir protéger Hyde auquel il porte un intérêt tout particulier. On verra que si Jekyll se veut comme un ami pour Hyde, il n’en va pas de même pour Hyde qui détruira cette « amitié », qui prendra le dessus sur Henry Jekyll en étalant au grand jour ses pulsions refoulées. Hyde, tout meurtrier qu’il soit, aura au moins le mérite de révéler une société malade de ses démons, une société qui va à sa perte, à sa fin. Le dernier mot du dernier chapitre du texte original est d’ailleurs « end ».

·     Dans le premier chapitre, on nous dit du notaire Utterson que « Envers ses semblables (…), il faisait preuve d’une indulgence sans limites, s’émerveillant même parfois de l’extraordinaire énergie qu’ils dépensaient pour commettre leurs méfaits. Et, en toute extrémité, il était tenté de secourir plutôt que de censurer. » Et c’est bien de cela qu’il s’agit dans Le Cas étrange du Dr Jekyll et de M. Hyde , d’une histoire d’hommes qui se protègent entre eux, entre amis, d’une loi du silence purement masculine où l’amitié est double elle aussi. Elle est convivialité et bons vins d’un côté et elle est silence et complicité de l’autre. L’amitié est en bonne santé et en même temps malade. En cela, le texte de Stevenson n’a pas pris une ride.

·   Ce n’est pas seulement Utterson qui est « sinistre, poussiéreux, triste, froid, conservateur, embarassé… », c’est toute la société victorienne qui l’est. Et si Utterson peut dégager malgré tout une forme de sympathie, ce n’est qu’aux yeux de ses amis, de ses « semblables». Dès le premier chapitre, ce que nous dit Stevenson, c’est que nous sommes au cœur d’une société de l’entre-soi, un entre-soi que seul un monstre viendra perturber, mais un monstre venu de l’intérieur-même de la société, du corps-même de Henry Jekyll. La société ne fabrique pas un monstre. Elle est le monstre. Elle est la maladie. Le monstre, c’est  l’entre-soi.  Là non plus, le texte de Stevenson n’a pas pris une ride.




dimanche 26 novembre 2023

Ma vie avec Jekyll et Hyde - notes / 1

 


Robert-Louis Stevenson en 1985, année de l'écriture du texte.


·      Si Fanny Stevenson, épouse de Robert-Louis Stevenson, a vraiment rejeté la première version écrite par son mari, poussant celui-ci à brûler la première ébauche, l’amenant à retourner écrire pendant trois longues journées dans sa chambre, il existerait donc deux versions du Cas étrange du Dr Jekyll et de M. Hyde, une double version, l’une disparue dans les flammes, consumée, noircie et l’autre, consommable, éclaircie.

·    Était-elle plus dérangeante ? Trop dérangeante ? Trop liée aux excès de jeunesse de Robert-Louis ? Trop émaillées de révélations autobiographiques ? Était-elle plus longue, plus courte ? Racontée selon d’autres points de vue ? Y avait-il un personnage féminin dans ce texte où, en tout cas dans celui que nous connaissons, les seules femmes mentionnées sont les victimes de Edward Hyde ?

·      Cette première ébauche serait comme le « laboratoire » du texte, sa version détruite car trop explosive. La seconde version serait la version « officielle » du texte, publiable, résultat de recherches dont nous n’aurions pas à connaître la teneur, la composition, peut-être la dangerosité.

·    Le Cas étrange du Dr Jekyll et de M. Hyde s’avère dans sa conception-même une œuvre double, construite, puis détruite,  puis reconstruite, une œuvre à double entrée, à l'opposé l'une de l'autre, comme la demeure du Dr Jekyll qui comprend son entrée officielle (le lieu de vie), accueillante, notable et son entrée officieuse (le laboratoire), sulfureuse, inavouable. On entre par l'une ou par l'autre. Impossible de franchir les deux seuils en même temps.

·   Toute sa vie, Robert-Louis Stevenson a souffert de graves problèmes pulmonaires, changeant, dès l’enfance, de maisons pour fuir l’humidité, cherchant à la montagne des solutions pour respirer mieux et espérant trouver, durant les cinq dernières années de sa vie, dans les îles Samoa un climat plus propice. Pas de chance, le climat tropical humide n’améliorera en rien sa santé fragile. Il y décèdera.

·   Le Cas étrange du Dr Jekyll et de M. Hyde est une œuvre étouffante, qui ne respire qu’à moitié, où l’on ne respire qu’avec un seul poumon à la fois. Comme s’il y avait le poumon Jekyll et le poumon Hyde, ne pouvant fonctionner en même temps pour aller vers la vie. C’est une œuvre malade, amputée. Une œuvre qui se ronge elle-même, s’essouffle, s’épuise à tenter de retrouver l’entrée officielle de la demeure/vie. Sans y parvenir, que du contraire.

·      Savoir que nous ne saurons jamais ce qu’il y avait dans cette première version est tout a fait réjouissant.



 

lundi 21 août 2023

L'AIR DE RIEN / 1



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L'AIR DE RIEN / 2



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L'AIR DE RIEN / 3



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L'AIR DE RIEN / 4



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L'AIR DE RIEN / 5

 


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L'AIR DE RIEN / 6



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L'AIR DE RIEN / 7



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L'AIR DE RIEN / 8

 


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L'AIR DE RIEN / 9

 


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L'AIR DE RIEN / 10



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