Je commence la tentative de
classement des photos année par année. Je ne possède qu’une grande boîte qui
semble aller jusqu’en 1974. J’ai par ailleurs d’autres photos en pagaille. J’ignore
à quel moment ma mère me les as données. Par ci par là depuis cinq ans je
crois. Les années s’y mélangent allègrement. J’ai 7 ans et puis 12 et puis 3 et
sur certains clichés les couleurs datent, s’oublient. Cela a un charme fou, un
peu cruel. C’est vintage et frissonnant.
Etre confronté à soi à chaque
seconde sera autant une épreuve qu’une enquête. Pourquoi ai-je ces photos et
pas d’autres ? Pourquoi ma mère a-t-elle longtemps prétendu qu’elle n’avait
pas de photos de mon enfance ? Pourquoi, il y a un an, a-t-elle soudain
ressorti des dizaines de pochettes affirmant que c’était tout ce qu’elle avait ?
Pourquoi, il y a une semaine, a-t-elle reconnu qu’elle avait encore plusieurs
boîtes qui couvrent mon adolescence ? Et pourquoi, ce demi-frère (fils d’un
précédent mariage de mon père) avec lequel j’ai été en contact durant quelques
années de mon enfance a-t-il disparu de ma vie ? Aurais-je le courage de
téléphoner à son ex-femme dont j’ai trouvé le téléphone ? Il va falloir,
mon coco.
Hier m’a mère m’a appris le décès de
sa cousine à 99 ans. Elle a eu sa fille au téléphone qui lui aurait demandé de
mes nouvelles. Pourquoi cette petite-cousine ne m’appelle-t-elle pas ? Et
pourquoi n’ai-je jamais appelé ces lambeaux de famille pour garder le contact ?
Je suis aussi responsable de l’éclat de cette famille. De son éclatement plutôt. Je lui ai tourné le dos
pensant qu’elle me tournait le dos. Je lui en ai voulu. Il aura fallu attendre
que les gamins soient majeurs tous les deux et que je sente que le plus jeune
quittera bientôt la maison, comme son frère l’a fait il y a trois ans, pour
oser m’interroger sur cette histoire familiale qui m’a échappé autant que je
lui ai échappé. Il aura fallu ces chapes de solitude déferlantes pour que je me
secoue et tente de lire cette histoire au risque de trébucher sur des chapitres
peu reluisants. C’est le risque à prendre. C’est une solitude plus sereine à
construire.
Et je le dois à mes enfants dont c'est aussi l'histoire inconnue.
Peut-être douloureux, mais sans doute indispensable... bon courage.
RépondreSupprimerMerci Philippe. Tenter d'en faire un projet d'écriture aussi.
SupprimerFouiller dans notre humus...trouver des indices parfois minuscules...pour nous remettre sur la voie, les voix tues de notre enfance, les abîmes parfois...Reprendre, saisir le fil d'une histoire personnelle et comprendre, mieux comprendre. Oser reprendre le fil, faire une jolie épissure parfois avec des êtres éloignés...faire le pas, plutôt que ne pas le faire. Ici aussi...vik
RépondreSupprimerplutôt que ne pas le faire... Exactement ça, la nécessité, l'urgence pour soi, pour ses enfants. merci
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