samedi 29 avril 2017

Voyage avec Stevenson dans les Cévennes 2.



Thym, origan, mélisse citronnée. On ne s'est pas privé de cueillir sur les chemins entre Vialas et Florac, ces trésors qui sortent de la terre cévenole. On ne s'est pas privé non plus, dans le temps réduit de notre présence (3 nuits), de respirer largement en grimpant le chemin tout en lacet qui serpente au-dessus de la maison où nous logeons. Immense bâtisse constituée de trois entités en somme, que des copains retapent quand ils le peuvent, héritage familial impressionnant dont les premières pierres datent du 17ème siècle selon ce qu'on voit gravé sur un mur (photo ci-dessous). Comme le temps est au bleu, on sera à l'extérieur tant qu'on peut. En arrivant le premier soir, venant de Montluçon dont nous n'aurons vu qu'une chambre d'hôtel et un restaurant joliment désuet, on s'est arrêté au Pont-de-Monvert et là, tombant nez à nez sur une affiche qui annonce le spectacle du lendemain, on a senti la pression monter. Pont-de-Montvert est pour moi synonyme de Raymond Depardon. Dans sa trilogie paysanne dont j'avais justement revu les deux premiers épisodes pour occuper ma grippe de début avril, Depardon part à la rencontre de ces paysans isolés et oubliés au bout des chemins arides. A chaque vision des films, je m'attache un peu plus à ces deux vieux frères, l'un cocasse, l'autre bouleversant qui vivent sur les hauteurs du Pont-de-Montvert. Emotion singulière d'être quasiment sur les lieux du tournage et de porter le regard vers les collines et plateaux découverts d'abord par le film.



Le lendemain en question, nous sommes partis investir le lieu où je jouerai. Mazette, punaise et purée réunies... Quel endroit mon ami! Pour nous qui jouons un autre spectacle au départ du Adam et Eve de Mark Twain, ce fut comme débarquer dans le jardin d'Eden. Tout au bout d'un chemin rocailleux, à flan de colline, un mas, une ferme fortifiée datant du 16ème cette fois, qui est tout à la fois un gîte (même trois) et plusieurs corps d'habitation avec une vue comme je n'ai même pas imaginé que ce fut possible. Hans et Eva, hollandais bons vivants nous ont reçu avec une simplicité toute terrienne. Le genre d'endroit dont tu te dis c'est bon, voilà, je reste là je téléphone aux enfants ils n'ont qu'à prendre le train on va vivre là on va leur sous-louer une mansarde à nos hôtes hollandais et c'est bon on ira à la pêche dans la rivière en bas on bouffera des châtaignes sous toutes les formes confiture purée compote grillées crues même les bogues on les avalera tant tout cela est beau à pleurer.


jeudi 20 avril 2017

Voyage avec Stevenson dans les Cévennes 1



Evidemment c'est une grande joie de partir raconter l'histoire tragique du docteur Jekyll et de son double dans les Cévennes. Nos amis à Vialas qui nous invitent à jouer dans leur patelin (ce sera devant la belle cheminée d'une vieille demeure, atmosphère atmosphère...) nous accueillent pour deux jours dans leur paradis à flanc de colline avec vue sur des arbres des arbres et des arbres. Tout ce qu'il me faut. Nous avons découvert le coin il y a deux ans et de toutes les régions de France parcourues en un demi siècle, celle-ci correspond à mon tempérament.
Je n'aime pas rouler, faire de la bagnole me bousille ce qui me sert de dos et nous ferons deux jours de trajets à l'aller comme au retour. Deux mille kilomètres pour une représentation. Une folie sans doute fatigante mais jouer Stevenson dans les Cévennes, ça ne se refuse pas! Fin d'après-midi, nous arrivons à hauteur de Bourges. Jamais vu cette ville, on y entre, déjà accueilli au péage par des nuées de gendarmes  qui fouillent et contrôlent à qui mieux mieux. Mais pas nous, ma bonne tête de docteur londonien inspirant sans doute confiance. Arrivés dans le centre, des flics partout et on comprend mais trop tard qu'on tombe en plein Printemps de Bourges et que de chambre d'hôtel il n'y en a point pour nous. Accrochés au Wifi d'un bar, on se met en quête d'une chambre en (plus petite) ville et la prochaine sera Montluçon... On trouve à 39 euros en face de la gare à l'hôtel Le Faisan. Un monsieur charmant au téléphone mais tout de même, à ce prix-là, en face de la gare, je ne donne pas cher de la qualité du matelas.



Passer la soirée à Montluçon, ville étape, ce sera s'installer à l'hôtel: chambre simple et propre, mieux que dans un Kyriad ou autre. L'escalier qui mène au deuxième est joyeusement tordu et recouvert de moquette rouge. Le restaurant de l'établissement est fermé, des problèmes de santé nous dit le patron qui semble bien seul en son royaume. Nous traverserons la rue pour manger dans un autre hôtel, trois étoiles s'il vous plaît, au décor improbable jaune et beige, tout droit sorti du début des années 80, avec un serveur pour s'occuper de tous, une table investie par ce qui ressemble à une réunion de représentants de commerces ou cadres d'entreprise en goguette. Tout est correctement désuet dans cet ensemble et au final très dépaysant. Nous mangerons correctement, sans plus malgré les noms ronflants donnés à chaque plat du menu. On connaît ça. Revenus au Faisan, il restera à s'effondrer jusqu'à six heures du matin, heure à laquelle le décor de carton pâte a laissé entendre les premiers commis voyageurs sur le départ peu soucieux de discrétion, merci les gars.
L'heure est au café. A plus...




samedi 15 avril 2017

L'attente / 20.





en se retournant elle s'est vue l'attente elle était derrière elle silencieuse elle a baissé les yeux intriguée découvert que sous elle elle s'y trouvait aussi l'attente elle souriait toujours pas bavarde en redressant la tête toute troublée qu'à elle seule elle puisse être plusieurs elle a levé les yeux au ciel constaté qu'elle siégeait là encore l'attente juste un peu au-dessus d'elle dérangée mais pas résignée elle a fermé les yeux là dans le noir de ses pensées elle a entendu qu'elle était en elle tout autant l'attente mutique comme de bien entendu tremblante pour le coup elle a ouvert la main saisi l'attente derrière elle l'attente sous elle l'attente au-dessus d'elle fourré le tout dans sa bouche donné à manger à l'attente en elle enfin un cri s'est échappé de ces attentes broyées jusqu'à résonner dans le désert du monde

jeudi 6 avril 2017

L'attente / 19




- Ah vous voilà! Où traîniez-vous encore?
- Je courais, désolée...
- Reprenez votre souffle, vous êtes en nage.
- Je ne reprends jamais mon souffle...
- Asseyez-vous alors.
- Je ne m'assieds jamais...
- Jamais?
- Je suis assise en chacun...
- Où sont vos yeux?
- Je suis dans le regard de chacun...
- Mais vous parlez sans voix!?
- Je suis cachée dans la gorge de chacun...
- C'est quoi cette odeur forte? Bon dieu mais lavez-vous!!
- Je suis la sueur de l'angoisse de chacun...
- Tournez-vous que je vous voie de face...
- Si je me retourne, vous vous verrez en moi...
- Et puis cessez de bouger...
- Je ne bouge pas, je m'assied en vous...
- Taisez-vous...
- Je vous tais...
- Voilà c'est mieux.
- C'est mieux oui.



mercredi 5 avril 2017

L'attente / 18.




elle s'était épuisée à force l'attente
à force qu'on ne lui fasse plus une petite place
une place qui ne demandait rien dans le fond
rien qu'un peu d'attention de temps à autre
le temps qu'elle puisse offrir ce qu'elle avait de plus beau
de plus beau et de plus chaud
comme du repos en somme
du repos


https://youtu.be/rrXuuPgJO8U