dimanche 31 janvier 2021

Journal jusqu'au jour où... 8

 




Je commence la tentative de classement des photos année par année. Je ne possède qu’une grande boîte qui semble aller jusqu’en 1974. J’ai par ailleurs d’autres photos en pagaille. J’ignore à quel moment ma mère me les as données. Par ci par là depuis cinq ans je crois. Les années s’y mélangent allègrement. J’ai 7 ans et puis 12 et puis 3 et sur certains clichés les couleurs datent, s’oublient. Cela a un charme fou, un peu cruel. C’est vintage et frissonnant.

Etre confronté à soi à chaque seconde sera autant une épreuve qu’une enquête. Pourquoi ai-je ces photos et pas d’autres ? Pourquoi ma mère a-t-elle longtemps prétendu qu’elle n’avait pas de photos de mon enfance ? Pourquoi, il y a un an, a-t-elle soudain ressorti des dizaines de pochettes affirmant que c’était tout ce qu’elle avait ? Pourquoi, il y a une semaine, a-t-elle reconnu qu’elle avait encore plusieurs boîtes qui couvrent mon adolescence ? Et pourquoi, ce demi-frère (fils d’un précédent mariage de mon père) avec lequel j’ai été en contact durant quelques années de mon enfance a-t-il disparu de ma vie ? Aurais-je le courage de téléphoner à son ex-femme dont j’ai trouvé le téléphone ? Il va falloir, mon coco.

Hier m’a mère m’a appris le décès de sa cousine à 99 ans. Elle a eu sa fille au téléphone qui lui aurait demandé de mes nouvelles. Pourquoi cette petite-cousine ne m’appelle-t-elle pas ? Et pourquoi n’ai-je jamais appelé ces lambeaux de famille pour garder le contact ? Je suis aussi responsable de l’éclat de cette famille. De son éclatement plutôt. Je lui ai tourné le dos pensant qu’elle me tournait le dos. Je lui en ai voulu. Il aura fallu attendre que les gamins soient majeurs tous les deux et que je sente que le plus jeune quittera bientôt la maison, comme son frère l’a fait il y a trois ans, pour oser m’interroger sur cette histoire familiale qui m’a échappé autant que je lui ai échappé. Il aura fallu ces chapes de solitude déferlantes pour que je me secoue et tente de lire cette histoire au risque de trébucher sur des chapitres peu reluisants. C’est le risque à prendre. C’est une solitude plus sereine à construire.

Et je le dois à mes enfants dont c'est aussi l'histoire inconnue.




4 commentaires:

  1. Peut-être douloureux, mais sans doute indispensable... bon courage.

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    1. Merci Philippe. Tenter d'en faire un projet d'écriture aussi.

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  2. Fouiller dans notre humus...trouver des indices parfois minuscules...pour nous remettre sur la voie, les voix tues de notre enfance, les abîmes parfois...Reprendre, saisir le fil d'une histoire personnelle et comprendre, mieux comprendre. Oser reprendre le fil, faire une jolie épissure parfois avec des êtres éloignés...faire le pas, plutôt que ne pas le faire. Ici aussi...vik

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    1. plutôt que ne pas le faire... Exactement ça, la nécessité, l'urgence pour soi, pour ses enfants. merci

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