vendredi 16 septembre 2016

Nino Ferrer et l'Arbre noir

Parce que j'ai écouté Nino Ferrer ce matin, reprise d'un billet paru sur l'ancien blog.

Nino Ferrer.jpg

Quelques mois avant son suicide (il se tire une balle dans le cœur au milieu d'un champ de blé situé à quelques kilomètres de chez lui) Nino Ferrer se confie à un ami: "Tu te rends compte, j'ai écrit, composé et produit près de deux cents chansons, et les gens n'en connaissent que trois. C'est comme un peintre prolifique dont on ne connaîtrait que trois tableaux, car tous les autres sont dans des coffres"
On va donc se souvenir de "Mirza", "Le téléphon", "Les cornichons", comme ça c'est fait.
On va réécouter "Le sud" et reconnaître que c'est sacrément sublime, mais qu'on n'y prête même plus attention.
Et on pourra, j'y encourage, écouter "La maison près de la fontaine", "L'inexpressible", "Pour oublier qu'on s'est aimé", "Chanson pour Nathalie"...
On marquera un temps d'arrêt sur "C'est irréparable", face b de son premier disque, qui sera adapté par Luz Casal pour "Talons aiguilles" de Pedro Almodovar.

https://www.youtube.com/watch?v=C5rVi91TGNw

On rentrera alors plus intimement dans l'univers doux, mélancolique, joyeusement désabusé et profondément sombre de cet amoureux des chevaux, peintre reclus dans sa bastide du Lot près de Montcuq.
Il y a une dizaine d'année, en pénétrant dans la mairie de Montcuq, je tombe sur un de ses tableaux dans le hall d'entrée. L'homme m'intrigue et je me mets à écouter à peu près toute sa production. Et je découvre l'âpre beauté de cette voix, la tristesse vertigineuse de certaines chansons, la sonorité incomparable de ses compositions. Et depuis, j'y reviens régulièrement. Et de plus en plus, je dois bien l'avouer.
L'autre soir, je redécouvre "L'arbre noir", absolu chef d'œuvre de simplicité d'écriture et de sauvagerie musicale. La chanson dure 5'32". Les paroles se terminent à 2'16". Ensuite se déploie de manière fulgurante et douloureuse une absence que les mots n'arrivent plus à traduire. Le dernier mot prononcé est "Cœur" et c'est ce cœur qui se met à battre à toute allure, gonflé d'amour et de rage, ivre et épuisé d'attendre ou d'espérer.
C'est absolument déchirant, ca me laisse bouche bée, cerveau en compote et cœur transi à chaque écoute.

https://www.youtube.com/watch?v=znp0eaGWTOA


Paroles.

Ce grand arbre noir
Ce ciel plein de fumée
Devant ma fenêtre
Aux vitres embuées
Ce feu qui brûle et craque
Ces reflets sur ces murs
Le parfum de ces fleurs
Sur ces meubles obscurs
Et le bruit
De ces gouttes de pluie
Qui claquent sur les toits
La nuit
C'est un décor que tu connais
Peut-être t'en souviendras-tu
Rappelle-toi la cheminée
Les livres si souvent relus
Rien n'est changé, tout est pareil
Tout est pourtant si différent
Il flotte comme un goût de sommeil
Ou de tristesse, je ne sais comment
Ce n'est peut-être que le temps
Qui passe et laisse une poussière
De rêves morts et d'illusions
Peut-être est-ce ton absence, mon coeur

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