dimanche 7 août 2022

Journal jusqu'au jour où... (parenthèse 4)



 

Il y a 110 ans aujourd'hui tu naissais.

Si tu étais encore en vie, aujourd'hui nous fêterions tes 110 ans.

Nous serions réunis toi et moi et tes petits enfants. Et qui d'autre je ne sais pas, tes amis sont morts, ta femme t'a quitté il y a 38 ans, ton autre fils a disparu de ta vie - mais je le croise quelques fois en ville, je te le dis, comme ça tu as des nouvelles.

Nous serions donc 4 hommes dans une pièce, 3 générations réunies autour d'un gâteau dont les 110 bougies couvriraient toute la surface - mais existe-t-il des gâteaux pour 110 bougies, j'en doute. 

Tu soufflerais ces 110 bougies d'un coup car tu ne fumerais plus depuis 30 ans. Tu aurais retrouvé du poumon, du souffle neuf - quasiment une seconde jeunesse. 

Nous serions soit chez toi, soit chez moi, soit chez celui de tes petits-fils qui vit seul depuis 5 ans. Tu serais assis tout menu dans un fauteuil confortable et tu sourirais de voir ces grands gamins émus d'avoir un grand-père si âgé, si beau, si présent, si affectueux. 

Nous aurions mangé juste avant un lapin à la bière car tu aimes ça et tes petits-enfants aussi et moi aussi d'ailleurs - pourquoi s'en priver. 

Tu ouvrirais ton cadeau d'une main fébrile et découvrirais un bon-cadeau pour un séjour aux Thermes de Spa, ta ville natale. Tu nous remercierais de cette attention en t'inquiétant de savoir si tu es encore présentable malgré ton âge et si les jeunes filles ne seraient pas choquées. Mais tu répondrais toi-même à cette inquiétude en affirmant qu'en fait l'une d'entre elles risquait de tomber amoureux de toi. Nous aurions un fou-rire.

On partagerait quelques coupes de champagne car tu aimes ça - d'autant que les origines de ton nom français sont rémoises. 

Ensuite, on te reconduirait à la maison de retraite où tu rejoindrais une chambre collective - car la chambre seule est trop chère pour ta minuscule pension et que mon métier ne me permet pas d'être le soutien financier que je souhaiterais. On se dirait au revoir, à la semaine prochaine de toute façon et tu blaguerais sur le futur gâteau de tes 111 ans. Tes petits-fils et moi, on sortirait heureux d'avoir un père et grand-père comme ça et nous dormirions sur toutes nos oreilles de cette double filiation sereine. 

 

 

On utilise le conditionnel 

pour exprimer une action qui aura lieu  

à condition qu'une autre action 

ait pu avoir lieu avant.

 


Bientôt, cela fera 24 ans que cette condition n'est plus remplie. 

Et tu sais quoi : chaque fois que je bois une coupe de champagne, je pense à toi. A nous.



 

 

 



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